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Réduire l’endettement de la France : revaloriser le travail plutôt qu’augmenter les prélèvements

Réduire l’endettement de la France : revaloriser le travail plutôt qu’augmenter les prélèvements

Le débat est ouvert : pour réduire la dette, il faut promouvoir le travail plutôt qu'augmenter la fiscalité. Fotogrin/Shutterstock 

C’est l’éléphant dans la pièce. Alors que va s’ouvrir le débat budgétaire au Parlement, la question de la réduction de la dette publique est au cœur des problématiques actuelles. S’il existe plusieurs façons d’aboutir à ce résultat, toutes n’ont le même impact sur l’emploi et la croissance. Mieux vaut promouvoir les mesures en faveur du travail qu’augmenter les impôts et les taxes.

Lors de la dernière Loi de finances votée en 2023, le gouvernement d’alors s’était engagé à boucler son budget de 2024 avec un déficit d’un montant équivalant à 4,4 % du PIB. Dans ce contexte, l’étude du Cepremap 2024-02 indiquait qu’une réduction des dépenses nettes de 20 milliards d’euros par an serait nécessaire pour stopper la hausse de la dette de l’État français, entamée au début des années 80, puis la réduire.

Un tel infléchissement de la dynamique de dette publique permettait d’attester qu’elle reste sous contrôle et donc soutenable, car elle pourrait ainsi bénéficier de taux d’intérêt faibles.

Finalement, le déficit budgétaire de 2024 sera proche de 6 %. Comme la dette augmente encore et encore, la crédibilité de la capacité de remboursement de sa dette par l’État français se réduit. Cette hausse du risque de défaut se voit sur les marchés : alors que l’État français pouvait emprunter en 2021 à un taux inférieur de 0,5 point à celui prévalant pour le Portugal, il doit aujourd’hui à un taux supérieur de 0,15 point). Avec cette hausse du déficit, si l’État français souhaite restaurer sa crédibilité et donc contenir la hausse de la charge des intérêts sur sa dette, ce n’est plus 20 milliards d’euros par an qu’il faut trouver, mais plutôt 30 milliards par an.

 

Une nouvelle trajectoire budgétaire

Le nouveau gouvernement doit donc définir une trajectoire budgétaire définissant comment économiser les premiers 20 milliards annuels, ce qu’aurait dû faire l’ancien gouvernement, mais aussi déterminer comment faire cet effort budgétaire additionnel. Évidemment, la meilleure stratégie pour redresser les finances d’un pays consiste à favoriser les mesures qui encouragent l’activité et donc à terme les recettes de l’État, en particulier le travail. C’est ce que montre l’étude du Cepremap dont les principes sont repris ici, mais appliqués à la nouvelle réalité budgétaire de la France.

 

Avec l’objectif de réduire de 5 points le ratio dette sur PIB à l’horizon de 2027 sans entraver la croissance ni accroître les inégalités, le modèle du Cepremap indique que la réduction de milliards annuels des dépenses nettes doit résulter d’une baisse des transferts indexés sur les revenus (retraite et assurance chômage) de 50 milliards par an partiellement compensée par une hausse des transferts non indexés sur les revenus (santé, pauvreté…) de 20 milliards par an. Bien entendu, si l’objectif n’est « que » de réduire le ratio dette sur PIB de 2 points à l’horizon 2027, une réduction de 24 milliards d’euros par an est nécessaire si elle résulte d’une baisse des transferts indexés sur les revenus de 43 milliards par an partiellement compensée par une hausse des transferts non indexés sur les revenus de 19 milliards d’euros par an.

 

Restaurer l’équité intergénérationnelle

Cette stratégie stimulerait le PIB car elle conduirait à une hausse des heures travaillées et de la demande de consommation des plus défavorisés. Elle a un coup politique, celui du refus de la non-indexation des retraites pendant plusieurs années. Toutefois, comme le revenu mensuel disponible par tête des retraités était, en 2019, de 2 132 euros, contre 2 099 pour les actifs (voir COR (2023)) et que leur taux d’épargne des personnes âgées de plus de 70 ans est de 26 % contre 10 % pour les 40-49 ans (voir Insee (2020)), cette politique contribuerait à restaurer l’équité intergénérationnelle.

Comme les cotisations versées ne couvrent que 80 % des dépenses de retraite (voir Beaufret (2023)), réduire les pensions reviendrait à réduire les divers transferts actuels de l’État vers les retraités, et non à ponctionner des « droits » qui n’ont, en fait, pas été complètement « acquis ». Enfin, alors que l’âge moyen de départ en retraite est 63 ans en France, il est à 65 ans en Allemagne : reculer de deux années l’âge de départ en retraite représente une économie de 22 milliards d’euros an pour les finances publiques, sachant que les déficits actuels et passés des caisses de retraite expliquent la moitié de la hausse de la dette publique, comme l’a montré Jean-Pascal Beaufret. Aux antipodes des demandes d’abrogation de la dernière réforme des retraites, il serait plutôt nécessaire de préparer la prochaine pour qu’elle permette un véritable rééquilibrage des finances publiques.

 

Menaces sur la croissance

Face à une potentielle difficulté politique qui pourtant ne consiste qu’à restaurer une partie de la valeur du travail, une hausse de certaines taxes a été envisagée, par certains comme, par exemple, le gouverneur de la Banque de France. Le fardeau de l’ajustement budgétaire ne reposerait plus alors uniquement sur ceux qui ne travaillent pas ou plus, mais aussi sur les actifs.

Mais, si le gouvernement accroît de 5 milliards par an ses recettes via une hausse des prélèvements, cela lui permet mécaniquement de moins réduire ses dépenses. Cela risque de réduire aussi le taux de croissance du PIB en réduisant les créations d’emploi. En effet, accroître les prélèvements obligatoires sans désinciter les entrepreneurs à participer à la création de richesse et sans exclure les travailleurs les plus fragiles est quasiment impossible.

La « justice fiscale », c.-à-d., une meilleure répartition d’une richesse plus importante, ne doit pas s’opérer via une hausse de la fiscalité mais par un rééquilibrage des transferts en faveur de ceux qui ne sont pas indexés sur les revenus, comme le montre l’étude du Cepremap. Ne pas accroître la pression fiscale n’est pas un « dogme », mais une recommandation basée sur des évaluations de politique publique qui montrent qu’une politique visant à réduire la dette sans entraver la croissance ni accroître les inégalités doit se baser sur des mesures revalorisant le travail, donc favorisant l’activité économique… et permettant à terme d’accroître les recettes de l’État via la croissance.

 

Auteur :
François Langot
, enseignant-chercheur en économie à Le Mans Université, laboratoire GAINS et Directeur adjoint de l’Institut du Risque et de l’Assurance et chercheur à l'Observatoire de Macroéconomie CEPREMAP


Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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